Transfert de la compétence eau et assainissement : des précisions jurisprudentielles
On se souvient (voir ma lettre n°88 datée de janvier 2020) que le transfert à l’intercommunalité de la compétence Eau et Assainissement avait provoqué en toute fin d’année dernière le recours intenté par les trois communes de Callian, Tanneron et Tourrettes contre l’arrêté préfectoral validant les nouveaux statuts de la communauté de communes du pays de Fayence. Elles protestaient ainsi contre une situation qui n’a eu à ma connaissance que deux occurrences en France : seules deux intercommunalités en France ont osé passer outre une minorité qualifiée, prenant le risque de fracturer au passage leur territoire sur le plan politique.
Au-delà de désaccord local, ce recours posait une vraie question de fond, celle de la résolution d’un conflit de normes, dans la mesure où deux normes s’opposaient. La première norme est la loi du 3/8/18 (dite Ferrand-Fesneau) permettant de repousser le transfert de la compétence obligatoire « Eau et Assainissement » sous la condition de constituer une minorité de blocage que les trois communes en question avaient effectivement bien constituée à temps et dans les règles.
La seconde norme vient de la faculté de transfert « volontaire » d’une compétence communale sous d’autres conditions de majorité, biais utilisé par la CCPF pour contourner la minorité de blocage. En l’espèce ces normes s’opposent, tant la création d’un dispositif législatif spécifique instaurant une minorité de blocage n’avait jamais été conçue pour coexister avec un mécanisme de transfert dit « volontaire ». Il n’y avait pas de sens à ce qu’un transfert volontaire puisse intervenir en dépit de la mise en œuvre d’une minorité de blocage instaurée par une loi postérieure, au mépris du principe qui fait qu’une loi générale ne peut déroger à une loi spéciale, à moins de donner au mot « volontaire » un sens franchement soviétique.
Sans se prononcer sur le fond, le juge, saisi sous la forme du référé, n’avait pas retenu le critère de l’urgence. Il restait alors aux trois communes de Callian, Tanneron et Tourrettes le choix de continuer ou non le recours sur le fond. Dans un souci d’apaisement, et devant le fait majoritaire constitué, elles avaient fait le choix de ne pas aller plus loin. Mais pendant ce temps-là, dans l’autre cas français de ce genre, les communes concernées (six communes à cheval sur les départements de l’Aude et des Pyrénées Orientales) sont, elles, allées jusqu’au bout. Et le Conseil d’Etat leur a donné raison le 29 juillet dernier, prononçant ainsi l’illégalité de la prise de compétences de l’intercommunalité concernée.
Il me semble important que les élus communautaires ainsi que ceux que la vie publique locale intéresse prennent connaissance de cette jurisprudence. Je ne la publie pas à des fins conflictuelles mais dans un esprit de responsabilité. Et ce, d’abord parce que là encore cette décision peut être suivie d’autres allant dans un sens différent, mais aussi et surtout parce que, sauf à être poussé dans mes derniers retranchements par ceux qui refusent l’apaisement, je n’ai pas vocation à remettre en cause une régie communautaire à laquelle une majorité de mes collègues souhaitent adhérer. Je la publie donc pour que, maintenant que les enjeux politiques qui s’attachaient à ce débat sont derrière nous, une lecture dépassionnée montre à chacun que les positions que soutenaient les trois communes n’avaient rien d’incongru, et que la position adverse n’était pas l’incarnation de la vérité et de l’évidence.