Gens du voyage, ou la culpabilité bien-pensante à la française
Cela tourne au rituel : à l’approche du printemps, diverses colonies de gens du voyage prennent leurs quartiers chez nous, une quinzaine de caravanes à Callian, une cinquantaine à Montauroux, les mêmes que l’an passé. Des terrains privés sont envahis, des branchements piratent les réseaux d’eau et d’électricité. Les bords de ces terrains sont transformés en latrines communes, et les arbres alentours sont prestement découpés pour le barbecue du jour. La force publique (en l’occurrence nos polices municipales) en est réduite à faire la circulation. Et nos concitoyens, qui payent des impôts et des taxes, et qui respectent des règles, sont exaspérés de voir sous leur nez que ni l’Etat ni les collectivités ne sont capables de les imposer à ceux pour qui le bras d’honneur aux pouvoirs publics est parfois une seconde nature. Sans oublier qu’en cas de reconfinement, et pour éviter le « brassage de population », ces invasions peuvent s’éterniser, comme cela a été le cas l’an dernier.
La règle dit que les procédures judiciaires d’expulsion sont plus rapides lorsqu’il existe sur le territoire concerné une aire d’accueil aux normes. Cela signifie qu’il faut que le contribuable investisse dans un équipement public dont personne ne veut être le voisin, pour aménager une aire qui ne servira jamais, puisqu’elle ne sera jamais assez bien gazonnée (ni jamais assez près des commodités) pour que ces colonies les utilisent. Tout cela donc pour gagner quelques jours de procédure : pas étonnant dans ces conditions que les collectivités ne se bousculent pas au portillon. Il faudra pourtant bien finir par mobiliser un terrain, avec un double risque : celui de voir les gens du voyage continuer à en préférer d’autres, et celui d’entraîner une fréquentation plus régulière.
Je ne suis pas le réactionnaire de service. Il n’y a dans mon constat aucune stigmatisation d’une communauté, mais en revanche un étonnement sincère devant le cadre réglementaire qui régit ces questions. Je suis assez libéral pour comprendre que chacun vive à sa façon, selon ses choix. Ce que je comprends moins bien, c’est que dans le cas de cette communauté, le choix soit devenu un droit. Celui de vivre ou bien chez les autres, ou bien aux frais du contribuable. Il y a bien évidemment des cohortes qui se comportent mieux que d’autres, mais encore une fois la question n’est pas celle du délit de faciès mais celle de l’égalité devant la loi. A trop montrer que certains peuvent s’en exempter sans avoir rien à craindre, on n’encourage pas nos concitoyens à le faire de leur côté, surtout en ces temps, si pesants, de restrictions de liberté.