Chloroquine, la polémique symbole
La polémique en cours sur la pertinence de l’usage thérapeutique de la chloroquine contre le virus COVID-19 est bien révélatrice des maux de notre temps. Elle cristallise notamment ce fléau du moment que sont les tentations complotistes, déjà très présentes dans la phraséologie du mouvement des Gilets Jaunes. Ainsi certains des supporters de la chloroquine n’hésitent-ils pas à voir dans la réticence de nos gouvernants à en généraliser l’usage le résultat d’un complot des lobbys pharmaceutiques, avec si possible l’implication de conjoints de ministres. Passons sur cet aspect des choses, et aussi sur la démarche assez démagogique qui conduit certains leaders régionaux à instrumentaliser la personne du « druide » marseillais Raoult pour surfer sur l’anti-parisianisme et redorer leurs blasons en vue des élections régionales : je précise tout de même que je ne demande pas mieux qu’il ait raison !
Quand une décision politique porte sur un problème dont les données sont scientifiques, la raison veut que les décideurs s’en remettent à la communauté scientifique, parce que cette dernière est censée être capable de substituer les faits (qui sont univoques) aux opinions (qui sont diverses). Or en l’espèce les savants ne sont pas d’accord entre eux, et la question devient alors : qui croire ? Réfréner l’usage de la chloroquine en raison de l’insuffisance des protocoles de test, ou la prescrire massivement quitte à ce qu’il y ait des victimes par effets secondaires ? Si la maison brûle, se saisir du premier liquide qui nous tombe sous la main, même si c’est de l’alcool ? Comme notre monde, la médecine est complexe et s’adapte en permanence, au point qu’il est de plus en plus complexe de s’en remettre à la parole scientifique, en voie d’être aussi démonétisée que les autres discours institutionnels : chacun va voir (encore plus) de vilains lobbys partout.
Puisqu’il n’y a pas à ce jour de vérité clairement démontrée sur la façon de guérir, il nous reste la prévention. Voilà pourquoi, à de très rares exceptions près, les pays du monde appliquent le confinement. Au plan local, certains pressent les élus locaux de s’engager pour exiger des prescriptions de chloroquine, avec pour certains l’idée que ce remède-miracle ferait tomber la nécessité du confinement. Dans l’idée que je m’en fais, mon rôle d’élu local n’est pas de donner un avis sur une question qui dépasse clairement ma compétence, c’est d’aider à faire appliquer le confinement. Et donc, d’aider à prévenir plutôt que de me mêler de la façon de guérir.