Eau et urbanisme, la confusion à son summum
Tout devait se simplifier et se bonifier, or les choses n’ont jamais été aussi confuses : la situation de l’eau en pays de Fayence continue de déployer un feuilleton pagnolesque de plus en plus obscur.
Pour commencer, il n’y a plus moyen de savoir si la situation de l’eau en pays de Fayence est une situation réelle ou fantasmée. Les chiffres du débit des sources de la Siagnole ainsi que des forages qui les complètent ne circulent plus. On entend invoquer le réchauffement climatique et la faible pluviométrie, qui sont l’un comme l’autre des faits incontestables. Est-ce que pour autant la situation du pays de Fayence est bien une situation de pénurie ? Mystère et boule de gomme. Pas moyen de savoir si les mesures prises ici ou là sont fondées ou abusives, préventives ou curatives.
On objectera qu’il y a au moins un cas de pénurie avéré, à Seillans, devant les caméras de télévisions de la France entière. C’est en effet un cas bien réel, mais pas nécessairement représentatif, tant la situation de la commune de Seillans est atypique dans notre paysage. Pas la peine sur ce sujet, auquel la presse locale s’est intéressée de près, de tirer sur l’ambulance. Je souhaite sincèrement que le maire concerné renonce à s’en prendre à la SEM E2S, ce qui est risible, puisqu’il lui devrait plutôt une franche gratitude. Sans E2S, maître d’ouvrage de la liaison Fayence-Seillans via le réservoir de Maracabre, la situation de Seillans serait critique depuis des années. Sans E2S, qui les a assumées à sa place, la commune de Seillans aurait eu à faire face à d’importantes pénalités à payer à l’Agence de l’Eau du fait du rendement indigne de ses réseaux. Mais laissons là ces polémiques médiocres.
C’est qu’aujourd’hui le problème est devenu un problème d’urbanisme. En effet le service de la régie des eaux rend désormais un avis négatif sur tous les dossiers du territoire en cours d’instruction, au motif de la perspective de pénurie générale. Ne pas savoir si cet avis est outrancier ou justifié est déjà un problème, qu’on pourrait toujours classer au nom du principe de précaution. Là où les choses se corsent, c’est lorsque ceux-là même des maires qui sont, quand ils vont à la communauté, les plus chauds partisans de ces précautions, accordent une fois revenus en mairie tous les dossiers du moment en passant outre cet avis négatif. On en comprend les raisons : non seulement il est toujours plus commode politiquement de dire oui, mais en plus le fait est que les pétitionnaires qui déposent des dossiers en zone U, zone dont la définition même repose sur la desserte des réseaux, sont bien placés pour déposer et remporter des recours contre des décisions négatives. On n’est donc plus très loin d’une sorte de course de vitesse dans laquelle chacun essaierait de solder ses dossiers les plus brûlants en passant juste avant le couperet de la vraie pénurie collective.
Cela ne peut pas durer. Il est temps de retrouver un vague semblant de lisibilité et d’unité dans l’attitude. Ou bien les avis du service instructeur communautaire sont outranciers, auquel cas il faut les changer, ou bien ils sont fondés, auquel cas il faut les suivre. Cette situation de crise était déjà en germe dans un autre paradoxe. Ce paradoxe, c’est celui qui a fait qu’une majorité de maires a voulu transmettre la compétence « eau » à la communauté, mais que dans le même temps, l’unanimité des maires a souhaité conserver la compétence « urbanisme ». La contradiction qu’il y a avoir voulu le premier transfert mais pas le second est en train, tout bonnement, de nous exploser à la figure. La pression des usagers, que ce soit ceux qui ont déjà mis le rapport de force de leur côté, ou bien ceux qui ne comprennent plus rien à l’urbanisme dans le territoire, y mettra bon ordre tôt ou tard.