Dette COVID : la rembourser ou pas ?
Le fameux « quoi qu’il en coûte », formule du président Macron, restera le symbole d’un tabou brisé : celui de l’orthodoxie en matière de déficit budgétaire. Même si rien n’est parfait, l’Etat a très massivement aidé un certain nombre de secteurs économiques, au point que la dette publique a atteint 120 % de notre produit intérieur brut. Les règles européennes, qui fixaient à 3% le plafond du déficit budgétaire et à 60 % celui de la dette publique (la moitié de la nôtre…) sont suspendues, mais elles feront leur retour un jour ou l’autre. Comment faire ? Alors que le spectre d’une « taxe Covid » plane, d’autres militent en faveur de l’idée selon laquelle cette dette ne devrait pas être remboursée. Cela a généré un vif débat entre économistes, au-delà des clivages politiques habituels. L’argent magique, la dette indolore, cela n’existe pas. Mais deux facteurs donnent tout son sens à un débat qui fait vraiment bouger les lignes.
Le premier facteur, ce sont les taux d’intérêt négatifs. Cela veut dire que les investisseurs sont prêts à payer les états pour leur prêter de l’argent. Si les taux devaient s’envoler, le service de la dette serait insoutenable dans le budget d’un Etat. Mais pour le moment ils sont stables, du fait d’un second facteur qui rassure les investisseurs : le fait que la banque centrale européenne leur rachète les dettes des Etats en faisant fonctionner la planche à billets. La BCE possède aujourd’hui plus d’un quart de la dette publique européenne, dont 70 % (!) de celle qui a été contractée depuis le début de la dette sanitaire. C’est là que l’idée d’un statu quo prend tout son sens : quand la dette sera arrivée à échéance, les Etats la rembourseront à la BCE en émettant une nouvelle dette publique qui sera elle-même rachetée par la BCE… et ainsi de suite, si tant est que ni l’inflation ni les taux d’intérêt ne remontent.
Il ne peut être sérieusement question de ne pas rembourser une dette. Mais les Etats en viennent à l’idée que la faiblesse de la croissance peut être un péril plus grand encore que le taux d’endettement. De ce point de vue, les mesures d’austérité mises en œuvre après la crise de 2008 ont eu des inconvénients qui ont retardé la reprise de la croissance et qui font aujourd’hui réfléchir. Investir pour sécuriser la reprise et assurer une croissance durable n’est-il pas plus important que l’assainissement des finances publiques ? Sans doute, à condition de ne jamais oublier que l’argent emprunté appartient au bout du compte à quelqu’un, sauf à abolir la propriété privée, et qu’on ne peut jouer au casino ni avec l’argent du prêteur, et ni non plus avec celui du contribuable.