L’épreuve morale du confinement et le terreau de l’indiscipline
En vigueur depuis deux semaines, le confinement va certainement se poursuivre encore pour plusieurs autres. C’est une épreuve économique et morale redoutable, que nous percevons peut-être moins en pays de Fayence, où l’habitat est dispersé, ce qui peut nous faire oublier qu’il y a aussi des familles nombreuses confinées les unes sur les autres dans de petits espaces, et que parfois des tensions conjugales ou familiales insupportables en résultent. Cette difficulté est renforcée par l’incertitude ambiante qui est générale : c’est une chose d’attendre en pouvant se projeter sur un terme, que d’attendre sans savoir combien de temps on attendra. En même temps, et comme nous ne sommes pas en Chine, la manière dont le pouvoir gère la crise correspond à une société où des contre-pouvoirs existent et doivent être ménagés, ce qui se traduit par une gradation très progressive des mesures de confinement, en consultation des uns et des autres (scientifiques, représentation nationale, etc..).
Même dans des territoires plutôt calmes comme le nôtre, on constate une réticence de fond à obéir à des injonctions venues d’en haut. Cela ne fait qu’amplifier ce qui se creuse depuis quinze ou vingt ans, à savoir la dé-légitimation de la parole publique. Ce phénomène qui trouve un catalyseur, pour ne pas dire un terreau, dans les réseaux sociaux où tout avis personnel est supposé représenter une expertise. Le paradoxe le plus intéressant dans tout cela est que les contestataires les plus virulents sont aussi ceux qui sont le mieux disposés à l’idée d’un régime autoritaire. On le voyait très bien avec les Gilets Jaunes, mouvement qui portait une revendication forte d’horizontalité, mais qui en même temps, en se cristallisant sur le Président, l’érigeait en monarque républicain et vertical. La même chose se produit aujourd’hui avec la demande d’un Etat protecteur, régulateur, voire protectionniste. C’est la double pulsion française : la promotion très forte de la liberté individuelle, et en même temps le recours à une structure protectrice ou à un leader providentiel.