5 G : une polémique bien de notre temps
Après les frondes contre le compteur Linky ou contre les vaccins entre autres, une nouvelle polémique arrive avec la mise aux enchères par l’Etat des fréquences de la 5G auprès des opérateurs de téléphonie. Ce qui est en cause à chaque fois, c’est que le développement technologique s’emballe, et que les politiques manquent d’expertise techniquement fiable ou moralement neutre qui puisse les aider à statuer dans un sens ou dans un autre. Les avis sont donc très partagés, et les peurs, fondées ou non, ne sont pas absentes.
Les uns s’appuient sur des considérations de compétitivité économique et de souveraineté technologique. Ils font valoir que plus de 20 pays ont déjà mis en œuvre cette technologie et qu’il n’est pas question pour la France de se laisser déclasser. Diverses études viennent étayer l’idée selon laquelle cette technologie serait porteuse de grands espoirs en termes de croissance et d’emploi. Ce n’est pas forcément là une vue qui ignore les problématiques environnementales, au contraire. On peut imaginer que le déploiement massif d’objets connectés que la 5G va permettre réduira le nombre de déplacements, développera la télé-médecine, optimisera la consommation de matières premières, ou de mieux cibler l’usage des produits phytosanitaires. Cela rencontre un vrai débat de fond : celui de savoir si la transition écologique passe par le refus de la croissance et du progrès technologique ou s’ils en sont au contraire le seul levier possible.
Les autres s’appuient sur des considérations plus sanitaires et sociales. Le fait est qu’il existe très peu de données scientifiques sur les effets biologiques et potentiels liés aux fréquences autour de 3,5 Ghz. L’idée de moratoire proposée par certains se fonde en premier lieu sur cette incertitude, et sur la question de la consommation électrique générée par la multiplication des antennes (même si on dit les nouvelles antennes plus économes). L’idée d’une technologie énergivore se justifie surtout par la multiplication des contenus hébergés sur les serveurs. On estime en effet que le numérique est d’ores et déjà responsable à lui seul de 15% de la consommation électrique mondiale. S’ajoutent à ces voix des allergiques (dont je ne fais pas partie) aux systèmes de reconnaissance faciale que la 5G va considérablement développer.
La question des modes de vie est probablement la plus profonde. Faut-il absolument déployer toutes les technologies qui sont inventées au prétexte qu’elles le sont, dans une surenchère permanente puisque la 6G est déjà en préparation ? L’automobile et le téléphone portable ont façonné nos sociétés et nos modes de vie comme aucune autre invention. Ces modes de vie s’imposent à nous pour ainsi dire, car même si on peut renoncer à la voiture, à l’avion, à Internet, ou au consumérisme en général, ce ne peut être au mieux qu’une posture (inconfortable) d’héroïsme individuel. C’est une question qu’il faut se poser devant une technologie qui va nous faire acheter de nouveaux téléphones portables avec dans certains cas pour seul bénéfice de « pouvoir regarder un film porno en haute définition dans l’ascenseur », comme le disait le provocateur maire vert de Grenoble.
Je n’ai aucune autorité à me prononcer sur ces questions, mais je ne veux pas les fuir pour autant. Ma position réservée tient finalement à un autre enjeu, celui de l’égalité entre les territoires. Dans beaucoup de communes françaises, on n’en est pas à la 4G, et parfois même pas à la 3G. Dans notre pays de Fayence, les zones tout simplement blanches sont encore abondantes : dans ces conditions l’effort doit-il se porter sur le développement d’un nouveau réseau ou au préalable sur une mise à niveau qui permette à tous les français un accès au réseau de téléphonie mobile ?
A vrai dire cette question a plus de pertinence sur le plan du symbole que sur le plan technique. Sur le plan technique le fait est que le déploiement de la 5G va désengorger le réseau 4G, la saturation du réseau actuel étant redoutée à échéance de dix-huit mois. Mais sur le plan symbolique, rien n’a le don de fracturer un pays et d’en déclasser une partie de la population comme ces déséquilibres entre des urbains baignant partout dans le haut débit et des ruraux qui parfois n’ont sur leur terrain qu’un seul « spot » où « il y a du réseau ». C’est bien à cet égard-là que le déploiement actuel de la fibre en pays de Fayence est si important à mes yeux, parce que le plan symbolique compte aussi ! C’est que, au-delà de tous ses avantages, ce déploiement manifeste le fait que les ruraux ne sont pas des citoyens ou des usagers de seconde zone.